Chapitre 23 : Crever l'abcès.

Les semaines s'écoulaient lentement, et chacun tâchait de trouver une place aproximative dans l'appartement et autour de Ludmilla.

Bonjour, chéri.
" Rise ! Salut ; comment est-ce que tu vas ? Dis moi, est-ce que tu sais comment maman savait quand arrêter d'arroser ? J'ai l'impression de noyer ces plantes... "
Euh, tu sais, le jardinage, c'est pas tellement mon truc. Désolée.

" C'est un miracle qu'elles soient encore vivantes... "

Tenir une maison était difficile ; et plus encore lorsqu'il fallait jongler entre le travail et une petite fille de quelques années seulement. Avec le deuil d'une mère, c'était pire encore. Je paignais Elton au plus profond de moi-même, et celà m'empêchait de me concentrer sur ma propre peine.

" Vivaan et Jacques doivent passer à la maison d'une minute à l'autre... j'aurais espéré ranger un peu mieux, mais tant pis. "
Tu fais de ton mieux chéri, ils le savent bien. Dis moi, ils ne sont pas venus à la maison depuis un moment !
" Ils sont occupés, et moi aussi... "

" Eh bah, vous avez une sale tronce vous deux...
- C'est la débandade, en ce moment. J'enchaines les soirées, et hier un pote fêtait ses vingt-cinq ans... j'ai un de ces mal de crâne. Le thé, ça tape vraiment. Puis Vivaan a rencontré Amandine, alors il ne dort pas beaucoup.
- Eh ! C'est vrai, ça ! Et dire que tu ne m'as rien dit, hein.
- Ouais... ça fait quelques semaines, je voulais attendre un peu de t'en parler... et elle trouvait ça cool de rencontrer mon meilleur pote.
- C'est du sérieux : il a laissé sa brosse à dent chez elle. "

" Bah félicitation pour vous deux, vous êtes drôlement mignons. Bienvenue dans la bande, Amandine !
- Euh... merci. Vivaan m'a beaucoup parlé de toi Elton, j'avais hâte de te rencontrer.
- Et toi, Jacques ?
- Oh, moi, les filles... je les aime bien pour une nuit, mais faut pas trop exagérer !
- En parlant de filles ; Paris n'est pas là ? C'est qu'on la voit encore moins souvent que toi... elle bosse ?
- O-ouais... "

" Ours bleu gentil ! "
Tu ne t'ennuies pas trop ma puce ?
" Non ! Rise, joues avec moi ! "
Ah, j'aimerais bien, mais tu sais que je ne peux pas...

J'imaginais bien que voir ses amis faisait du bien à Elton ; mais sentait-il le décalage entre leurs vies ? Vivaan vivait un amour naissant, Jacques s'amusait encore chaque soir.
Ils finirent par quitter la maison peu avant qu'Elton ne parte au travail, l'un pour se reposer et  l'autre pour réviser ses examens.

" Darsh n'est pas là, je compte sur toi pour rester avec la petite hein...
- Elton ! J'avais prévu de... je... je devais sortir, ce soir.
- Eh bien tu attendras ! Je ne l'ai pas fait toute seule, notre fille. Je dois travailler, tu comprends. Je dois ramener de quoi payer le loyer et remplir vos assiètes ! "

Laissant Paris à son canapé, je préférai moi-même surveiller Ludmilla. Paris n'était pas un modèle de résponsabilité et elle ne faisait jamais vraiment attention à sa fille. J'avais longtemps été tentée de la prendre en pitié mais maintenant je n'y parvennais plus. Voir Elton se démmener ainsi pour sa famille alors qu'elle se contentait de disparaitre chaque jour, ça me rendait malade.

" Rise ? "
Oui, ma puce ?
" Est là mamie ? Elle est dans l'image ? "
Euh... non. La photo et l'urne, c'est pour se souvenir d'elle. C'est... c'est ce qui nous permet de lui parler, tu vois ? Et c'est ce qui fait qu'elle est toujours avec nous. C'est... un peu comme un téléphone.

Curieuse... cette petite était dite comme curieuse : mais c'était un euphémisme !

" Et le monsieur tout doré ? "
C'est une statue, ma puce. C'est moi qui l'ai offert à ta mamie il y a très longtemps.
" Pourquoi ? "
Pour lui dire que je serai toujours là, avec elle. Quand tu seras grande, la statue sera à toi ; et tant que tu l'auras, alors je serai toujours avec toi.

" Mamie elle a dit que la statue elle était protégante ! "
Euh... O-oui, c'est vrai. Elle te protège...
" Alors pourquoi mamie elle est plus là ? Papa dit qu'elle dort, mais moi je sais que c'est pas vrai ! Mamie elle est morte et les morts ils sont plus là ! Les morts ils aiment plus et ils voient plus ! "
Oh, Ludy...

Ludmilla était trop jeune pour comprendre : son père était souvent absent - sa mère n'en parlons pas. Alice avait toujours été celle qui s'occupait le plus de la petite. Elle l'avait nourie, couchée, lui avait appris à marcher et à parler. Mamie avait été le tout premier mot qu'elle avait sû dire - Rise le deuxième, pourquoi le troisième.

Oui ; les choses n'étaient pas parties pour s'arranger : j'en étais persuadée. Ludmilla était de plus en plus perturbée, Elton de moins en moins disponible. Tout l'appartement étaitsous tension et ce depuis des années. La mort d'Alice n'avait rien arrangé. La situation empirait.
Un jour, elle allait devoir exploser.

" Paris, dis moi que c'est une blague ! "

" Tu bois ! Tu es entrain de boire ! Je t'ai laissé seule avec Ludmilla quelques petites heures et toi, tu bois !
- E-Elton, attend...
- Tu es inconsciente ? Est-ce que tu as vu l'heure ? Pourquoi est-ce que ma fille n'est pas couchée, hein ? "

" J-je n'avais pas vu l'heure, d'accord ? J'ai pris un petit verre pour me détendre, parce que je suis stressée et-...
- Stressée ? Mais enfin, qu'est-ce qui te stresse ? Qu'est-ce que tu fais tant pour ne jamais être là, hein ? Où est-ce que tu es toute la journée pendant que j'élève notre fille et que je travaille pour que tu puisses dormir au chaud et te nourrir ? "

" Je te demande une seule petite chose, Paris : c'est de surveiller Ludmilla et de t'en occuper quand je ne suis pas là ! Je ne te demande pas d'être sa mère, non, ça ce n'est plus la peine.
- Elton, je suis sa mère ?
- Ah oui ? Quelle est sa couleur préférée ? A quoi est-ce qu'elle est allergique ? Est-ce qu'elle sait compter ? Comment s'appelle son ours en peluche ?
- J-je...
- Tu ne la connais pas, tu ne t'en occupes pas ! Est-ce que c'est toi qu'elle réclame quand elle fait un cauchemard ? Non, c'est moi ! Moi, ou maman ! Maman, tiens ; tu n'as rien fais quand elle est partie. Tu n'as pas un seul instant pensé à m'aider ; je vous entretiens toi et Ludmilla depuis bientôt quatre ans ! Tu ne crois pas que c'est assez, maintenant ? Je ne sais même pas ce que tu fais encore ici. "

" Je... je dois rester pour ma fille, Elton !
- Ta fille ? Arrête de te moquer de moi ! Tout ce que tu sais faire, c'est la faire pleurer ! Regarde dans quel état elle est !
- Mais c'est toi qui cri !
- Je ne crierais pas si tu était foutue de faire quelque chose d'autre que boire et profiter de moi ! "

" Arrête, Elton, tu es injuste... tu ne sais pas ce que j'endure depuis la naissance de la petite...
- Parce que tu te soucies de ce que moi j'endure ? Arrête de jouer la victime, Paris. Tu... tu n'as plus rien à faire ici, tu m'entends ?
- Elton... je... je suis une bonne mère ! Peut-être pas comme toi tu l'entends, mais je suis une bonne mère ! Ma fille m'aime ; hein, ma petite puce. Pas vrai que tu aimes ta maman ? Tu vois, je suis sûre qu'elle m'iame ! Dis à ton papa que tu aimes maman, chérie. Allez, dis lui !
- Laisse la petite en dehors de ça ! Tu ne vois pas que tu lui fais peur ? "

Ludy, chérie, tout va bien...

" Eloigne toi de ma fille, Paris !
- Tout ce qui n'est pas comme toi est mauvais, Elton ! Tu es égoïste, tu ne cherches jamais à comprendre les autres. Tout ce qui ne te concerne pas passe au dessus de toi. Si tu m'avais réspectée, nous n'aurions jamais eu d'enfants et nous n'en serions pas là. Si je suis une si mauvaise mère c'est,  de ta faute.
- Pardon ?
- Je ne voulais pas d'enfants, Elton ! "

Abcès crevé ; devant Ludmilla, hélas.

" Allé, mon coeur... tout va bien. Tu vas te mettre au dodo, d'accord. Il est tard pour les petites filles... "

" Bonne nuit, Ludy... papa t'aime très fort, Rise et mamie aussi... "
Elton. Tu dois régler ça de façon définitive. Ce soir, maintenant.
" Je sais ; laisse moi coucher ma fille, tu veux ? Je vais m'en occuper, je ne peux plus reculer. "
Tu n'es pas seul. Je suis là. Ta mère est là.

" Paris...
- Tu as encore des repproches dans ton sac ?
- Je... ça ne peut plus durer. J'en ai assez. Tu vois bien que ça ne marche plus entre nous ; il n'y a plus rien depuis... depuis que nous avons Ludmilla. Nous ne sommes même plus ensemble, il faut le dire. Tout ça ne rime à rien... "

" Alors tu me chasses, comme ça ? Où est-ce que je vais vivre, Elton ? Qu'est-ce que je vais faire ?
- Tu as eu quatre ans pour reprendre tes études, trouver un emplois, faire ce que tu voulais ! Bon sang Paris, mais qu'est-ce que tu as fais de ta vie à part boire ces dernières années !
- Ce que j'ai pu ! J'ai fais ce que j'ai pu avec ce que tu m'avais laissée. Tu m'as forcée à devenir quelqu'un que je ne voulais pas être ! Tu n'as pas le droit de me repprocher quoi que ce soit, tu n'as pas le droit de me chasser, tu... "

" Je... écoute, je suis désolé. Je suis vraiment désolé, pour tout. On a beaucoup changé et... je suis désolé. Je ne supporte plus tout ça. Je te verserai de l'argent, si tu veux. On s'arrangera à l'amiable, sans passer devant un juge. Tu pourras voir Ludmilla quand tu le voudras.
- Alors tu prends la décision tout seul ! Cette fois encore, tu ne me laisses pas le choix.
- Je fais ce qu'il y a de mieux pour notre fille, et pour nous. Je... j'ai fais des erreurs, Paris. Je le reconnais ; mais maintenant, on a plus le choix. Il ne reste plus rien de nous et ce depuis bien longtemps. "

" Tu as raison, j'ai été égoïste de penser que tout irait bien, que tu accepterais notre fille et que nous formerions une grande et belle famille. J'aurais dû te quitter depuis bien longtemps, sans attendre que les choses s'envenîment ainsi. Je n'aurais pas dû laisser toutes ces choses horribles nous miner. Tu... je peux t'aider à chercher un appartement, si tu veux. Tu peux prendre quelques meubles aussi, ça ne me gêne pas. Je ne te mets pas à la rue comme ça, mais je veux trouver une solution.
- Ce n'est pas la peine, Elton. Je ne veux pas de ta pitié ; puisque tu veux que je parte, je vais y aller maintenant. "

" A-attend, tu n'es pas obligé de partir tout de suite !
- C'est mieux ! Laisse moi partir avant que je te déteste trop pour laisser les choses bien se finir. Si je suis encore là demain, je serai trop en colère contre toi pour te laisser t'en tirer.
- T-tu voudrais la garde de Ludmilla ?
- Je... non. Mais je crois bien que je pourrais te tuer, là, sous un coup de rage. Crois moi, il vaut mieux que je parte maintenant. "

" Très bien. Je... je suis désolé pour tout, Paris. J'aurais aimé... j'aurais aimé que les choses se passent autrement.
- Ah, ça, moi aussi.
- Aurevoir.
- Oui, Elton. "

Elton...

" Elle... elle est partie. "
Oui. Tu es seul avec ta fille, maintenant.
" Je suis seul... "
Je sais que c'est effrayant ; mais contrairement à ce que tu penses maintenant, tu verras que son départ va t'enlever un poids. Il vaut mieux être seul que mal accompagné. Tu élèveras mieux ta fille maintenant que sa mère ne la perturbe plus.

" Rise... je... je n'avais jamais envisagé ça. Être seul avec un enfant. Je me voyais père d'une belle et grande famille, avec une femme forte et aimante comme... "
Comme l'étaient tes parents. Alice et Stéphane étaient un couple solide, et très amoureux. Je comprend bien que tu veuilles la même chose ; mais tu sais, une histoire comme la leur, c'est rare. Tout n'est pas parfait, Elton. Il y a des râtés, dans la vie.

" Comment est-ce qu'on va faire, Rise ? "
Comme on a toujours fait : on va avancer. Surtout, on va réussir.