Chapitre 30 : Famille

Aujourd'hui, pas de sortie précipitée à Willow Creek. Pas d'anniversaire surprise. Pas de course dans toute la ville pour retrouver Elton et ses amis dans un bar à jus de fruit : le calme, seulement le calme. La ville de San Mychuno endormie par la chaleur d'un week-end et le temps qui passe, lentement, calmement. Trop calmement...

Elton ! C'est maintenant que tu te lèves ? Est-ce que tu as vu l'heure ?
" Bonjour à toi aussi, Rise... "
Tu travailles, il me semble, aujourd'hui. Dans à peine une heure.
" Ah, oui, c'est vrai... tu sais, on a pas beaucoup dormi cette nuit, Darsh voulait essayer une nouvelle-... "
Tututut, je ne veux pas savoir ce qui se passe dans ce lit quand je ne suis pas là ! Allez, debout !

" Tu es drôlement en forme, dis moi... "
Oh, tu trouves ?
" Oui. Il faut être plus calme, Rise, détends toi... "
Elton, tu devrais déjà être parti au travail ! Mon dieu, c'est que les années te rendent lent...
" J'ai fini par apprendre que ça ne sert à rien de se dépêcher... "
Dis ça à ton patron...

" Bonjour tout le monde ! "
Oh, bonjour ma puce. Tu rentres tôt, dis moi.
" Oui, on avait un prof absent ! J'ai super envie de jouer aux échecs ; tu joues avec moi ? "

" A ce soir les filles ! Ah, Ludy, pense à sortir la poubelle s'il te plaît. Est-ce que tu peux faire la vaisselle ? Je ne rentrerai pas tard, c'est promis, alors fais bien attention à Darsh ! Toi aussi Rise !
- T'es en retard ! Bonne journée papa ! "
Mon dieu, il s'inquiète trop. Euh... tu jouerais quoi, toi, en premier ?
" Rise, je ne vais pas jouer à ta place ! "

Un peu plus de trois ans étaient passés depuis mon dernier ompte-rendu. Le fait était qu'il ne s'était pas passé quoi que ce soit de notoire et que tous  les jours ressemblaient plus ou moins à celui-ci. Ludmilla était au collège, Elton travaillait et Darsh...

... Darsh tenait la maison, écrivait et s'occupait de Ludmilla.

" Darsh ! Tu fais quoi ?
- Un gâteau, chérie. Tu as oublié que c'est l'anniversaire de ton père ?
- Non, mais je vais le faire moi le gâteau ! Il ne faut pas que tu te fâtigues, si papa apprend que tu as cuisiné c'est moi qui vait me faire disputer... "

" Laisse moi au moins laver la cuillère avec le reste. Franchement, Darsh, tu n'es pas responsable. Tu dois te re-po-ser ! C'est papa qui l'a dit, et je suis sûr que même Rise est d'accord avec ça. "
Oh, moi, je préfères ne pas me mêler de ça.
" Elle dit qu'elle est d'accord ! "
Eh !
" Je suis sûre que si Rise pensait que je dois rester couchée toute la journée, elle me forcerait à le faire sans-même que je le sache... "
Elle n'a pas tord.

" Allons, chérie, tu sais que ton père s'inquiète trop ; et toi aussi. Je ne suis pas malade, seulement enceinte !
- Papa dis que si tu fais trop d'efforts, le bébé sera tout moche et tout malade à la naissance. "
Parfois, je me dis que ton père a un sérieux problème... il faut vraiment qu'il se détende.
" Bon... on va passer un pacte : tu dis à papa que c'est toi qui a fait le gâteau et en échange, je lui reparle de l'idée d'acheter une console de jeu. C'est d'accord ?
- ... je vais aller mettre la table ! "

" Est-ce que je pourrais choisir les jeux ?
- Eh, il faut encore que ton père accepte. Ce ne sera peut-être pour tout de suite, on risque d'avoir beaucoup de dépenses à faire pour le bébé...
- Ah bon... il aura intéret à ne pas me piquer ma console, alors !
- Il sera trop petit pour ça, chérie. "

En trois ans, les choses avaient changées. Darsh était enceinte du second enfant d'Elton, tous deux parlaient mariage, mon existence était connue de tous les habitants de cette maison. Darsh avait étrangement bien pris la nouvelle. Peut-être sceptique au début, elle avait été convaincue lorsque la future chambre d'enfant avait été entièrement repeinte d'un seul coup.

" Bonjour ! Mais qu-... oh, Darsh ! Ne me dit pas que tu as cuisiné...
- Je te promet que non ! C'est Ludy qui a tout fait, avec l'aide de Rise.
- Mmh... parce que Rise sait cuisiner, maintenant ? "
Toujours mieux que toi, mon chéri.

" T'es prêt à devenir vieux, papa ?
- Tu pourras dire ça quand j'aurai quarante ans, mais pas encore ! "
Tu y seras bientôt, chéri...
" Je sais, oui. Mais ne me vieilli pas trop ! "

Bon anniversaire, Elton.
" Bon anniversaire, mon chéri.
- Bon anniv' papa ! "

" Eh bien, il est très bon ce gâteau. Ma fille est une vraie petite cuisinière...
- Ta journée a été bonne ?
- Oui ; le patron n'a même pas remarqué mon retard... et toi ? Tu n'es pas trop fatiguée ?
- Non, ne t'inquiète pas. Le bébé bouge un peu, mais il est encore trop petit pour me donner des coups.
- Il te donne des coups ? Bah, quand je serai grande, je veux vraiment pas de bébé ! "

La joie était au rendez-vous chez les Artson, qui se remettaient des épreuves qu'ils avaient connues.

Que... Alice !
" Oooooh, Rise, c'est horrible ! "
Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
" Oh, on a pas obtenu notre devis pour faire construire une piscine... on voulait tant en avoir une sur notre terrasse, Rise ! "
Eh bien, l'au-delà a l'air sympathique... c'est pas de si tôt que ton fils ou ta petite-fille auront une piscine, eux.

" Oh, oui, pardon. J'ai fais ce que j'ai pu pour leur assurer une situation financière correcte, tu sais ! "
Oui, je sais ; ils s'en sortent plutôt bien, d'ailleurs. Il faudrait que tu viennes voir la chambre du bébé...
" Le bébé ? Quel bébé ? "
Eh, je croyais que tu veillais sur ta famille !
" Oui, euh... cette histoire de devis pour la piscine, ça m'a pris pas mal de temps. "

" Alors comme ça, Darsh va me faire un autre petit-enfant ? Garçon, fille ? "
Ils veulent garder la surprise pour la naissance... dis moi, pourquoi est-ce que tu as ouvert une boite de nouille pour manger autre chose ?
" Quoi ? Ah, aucune idée. Comment est-ce qu'elle est, Darsh ? Aussi parfaite que je le pensais ? "
Oui, tu avais raison.
" Ah ! J'ai toujours sû qu'elle était faite pour mon fils, cette petite. "

" Tu es sûre qu'elle ne se gave pas de jus de fruit ? Elle ne passe pas son temps avachie devant la télé ? "
Elle fait la plupart des tâches ménagères, elle s'occupe de Ludy comme de sa propre fille, elle parle à son vendre presque toute la journée et elle essaie même de se faire une place come écrivain !
" Oh ! Alors elle va aider Elton à les faire vivre ? C'est bien, ça, très bien. "

" Eh bien, puisque tout se passe bien, je vais y aller ! Tu as quelques petits conseils pour que je fasses appel ? Pour ma piscine, tu sais. "
Oh, euh... dis leur que ça donnera plus de valeur à la maison s'ils veulent la revendre, un truc comme ça ?
" Mouais... je te tiendrai au courant lorsque je penserai à repasser ! Bisous, Rise ! "
Passe le bonjour à Stéphane, chérie !

Aaaah, tout ça m'épuise...
" Bonjour !  Qu'est-ce que tu as ?"
Oh, Ludy. Rien, c'est encore ta grand-mère, tu sais...
" Il faut vraiment que tu arrêtes, avec ça... "
Bah ! Tu crois aux végésims et pas aux fantômes, toi ?

Pour Elton, tout ça était très différent de la grossesse de Paris. Plutôt que de trimer pour assurer à son enfant une vie correct et veiller sur une mère qui ne voulait pas l'être, il pouvait profiter de sa future paternité et passer des moments de complicité avec sa compagne. C'était une grossesse paisible, douce, qui devait être véritablement bénéfique au jeune homme. Que tout se passe bien : c'était très important pour lui.

" Oooh ça c'est le petit garçon à son papa ! Il m'entend, tu crois ? Hein ? Je ne lui fais pa smal, là, tu es sûre ?
- Chéri, ne t'en fais pas, tu peux la toucher sans qu'il se brise...
- La ? Je suis certain que ce sera un garçon, moi.
- Et moi, je suis sûre que c'est une fille ! "

Lorsque la maison était nettoyée, que Ludmilla était à l'école et qu'Elton ne travaillait pas, les deux amoureux vacaient ensembles à leurs occupations : l'un s'entrainant pour ses concerts, l'autre travaillant sur ses livres.

Elton était heureux : il l'était vraiment, pour la première fois de sa vie.

Oh, Ludy, ma puce... quelque chose ne va pas ?
" Rien ! De toute façon, ils sont trop nuls ! "
Hein ? Quoi ? Mais pourquoi ?

Ludmilla, elle, entrait dans l'adolescence : de façon précoce, comme tout ce qu'elle faisait. Elton avait été un adolescent facile malgré ses sorties courantes, aussi j'avais du mal à bien réagir face aux sautes d'humeur de Ludmilla.

Eh, Ludmilla, je peux savoir ce qui se passe ?
" Rien je te dis ! Ils sont tous trop nul, en plus papa fait du bruit avec sa guitare et ça me fait pas au crâne ! "

" Eh puis ils ont transformé ma chambre pour le bébé ! C'était la mienne ! "
Chérie, ça fait des années que tu ne dors plus dans cette chambre. Il faut bien que ton petit frère ou ta petite soeur dorme quelque part...
" Ouais bah pas ici ! Et puis ils m'ont même pas demandé si j'en voulais un, de petit frère ou de petite soeur. "
Je croyais que tu étais contente, chérie ? C'est ce que tu as dis...
" C'est pas que je suis pas contente ! Mais ils m'ont pas demandé mon avis... "

D'accord, ma puce... tu veux bien m'expliquer ce qu'il s'est passé, aujourd'hui ?
" Je... j'ai mangé toute seule à midi, sans qu'on me prévienne. Et la prof d'anglais a donné ma copie à toute la classe pour montrer comment il fallait faire sans m'en parler. Du coup, mes copines veulent plus me parler parce que ça les énerve que je sois douée ! J'ai pas demandé ça moi, je voudrais bien être comme les autres filles... Sarah a dit qu'on était plus amies parce que je suis ennuyante et chiante... "
Oh, ma chérie...
" En plus j'ai eu un A ce trimeste, et papa et Darsh étaient trop occupés pour que je leur dise... "

Depuis son entrée au collège, Ludmilla avait en effet quelques petits problèmes à l'école. Beaucoup d'enfants étaient jaloux d'elle et elle était d'autant plus isolée parce qu'elle était très mature et qu'elle n'avait pas forcément les mêmes centres d'intérets que les autres. La venue prochaine du bébé devait la remuer un peu plus : mais, comme son pèr eplus jeune, Ludmilla n'était pas du genre à s'ouvrir et s'énervait parfois sans qu'on comprenne pourquoi...

Elton, chéri, tu devrais parler à Ludy.
" Qu'est-ce qu'elle a ? Il y a un problème, elle a fait une bêtise ? "
Non, pas du tout... je crois que ça ne se passe pas très bien à l'école.
" Elle a de mauvaises notes ? Raaah, Rise, je dois mettre du beurre dans la casserôle ? "
Non, eh... du beurre ? Pourquoi faire ?
" Ce sont des pattes à la bolognaise... il faut du beurre dansles pattes, non ? "
Euh... non, ne met pas de beurre.

" Donc, Ludmilla ?  Tu ne peux pas en parler avec elle ? Tu sais qu'elle ne me parle pas beaucoup, c'est toujours toi qu'elle va voir quand elle a un problème... tu devrais voir avec elle, toi.."
Oh... eh bien, comme tu veux. Tu devrais mettre du sel, aussi.

Peut-être Elton se laissait-il ennivrer par le bonheur au point d'en oublier un peu sa fille ? On ne pouvait pas vraiment le lui repprocher : il n'avait vécu que pour elle pendant les douze dernières années. Avec son travail, son couple, l'éventuel mariage et le future bébé, il avait bien d'autres choses à penser... Ludmilla n'avait jamais vraiment eut de problème et lorsqu'elle en avait, c'était à moi qu'elle en parlait. Elton ne pouvait pas voir ce qu'on lui cachait... ou ce qu'il ne voulait pas voir.

" Oh ! Euh... vous savez, j'ai eu un A ce trimestre à l'école ! "

" Vraiment ? Mais c'est super, ça, ma chérie ! Je suis très fier de toi, tu es une grande fille. J'espère que tu aideras ton petit frère à faire ses devoirs, quand il sera plus grand ! "

J'espérai simplement que Ludmilla n'en souffrirait pas trop et qu'Elton porterait toujours beaucoup d'attention à sa fille...